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ACTUALITES / Addictologie

Fabrice, résident à la Communauté Thérapeutique depuis Octobre 2019

A l’occasion du Rapport d’activité 2020, vous avez pu découvrir un extrait du témoignage de Fabrice, résident de la Communauté Thérapeutique. Le voici ici en intégralité.

Peux-tu te présenter ?

 J’ai 34 ans et je suis originaire de l’Est de la France. J’ai consommé si jeune, vers l’âge de 14 ans, que j’ai presque arrêté de grandir. Avec le recul je me dis que l’enfant que j’étais détruisait déjà l’adulte que je n’étais pas encore. A l’âge de 18/20 ans alors que mes copains passaient leurs permis et faisaient des études, moi je me droguais au réveil et je revendais dans la journée. Alors oui, j’avais de l’argent, beaucoup de monde voulait me voir et m’avoir dans son cercle de relations mais pas pour les bonnes raisons. Je n’ai pas vu grandir mes neveux et nièces. Je menais ma vie comme je l’entendais, je fêtais rarement Noël en famille, je ne m’attardais pas et je ne me préoccupais que de moi, ce qui forcément pouvait m’amener à blesser mes proches. Et puis j’ai rencontré une fille, je l’ai suivi et une fois de plus je me suis éloigné de ma famille. Et rapidement ça s’est dégradé : j’étais loin de chez moi, je buvais à longueur de journée, je revendais tout et n’importe quoi, même mes traitements. Le soir était propice aux bagarres de rues dans lesquelles j’errais. A ce moment-là je combinais travail non déclaré, manche et consommations… Au bout d’un an j’ai trouvé un appartement et un travail dans une asso de réinsertion. Les journées étaient compliquées. Finalement avec l’entourage que tu fréquentes ça ne peut que finir mal. Puis j’ai perdu mon chien, puis on m’a découvert une pancréatite alors j’ai été hospitalisé et voilà qu’on me diagnostique une septicémie. Et là c’est le déclic, je pars en sevrage, puis grâce au suivi du CSAPA ambulatoire je sollicite les CT de France. Je sais au fond de moi qu’une postcure ne me suffira pas en terme de temps et au regard de mon expérience et parcours de vie, il me faut un lieu où je vais pouvoir me poser. 

Que souhaitais-tu en sollicitant la Communauté Thérapeutique ? 

J’ai sollicité la Communauté Thérapeutique parce que je voulais avoir du temps mais aussi me soigner enfin c’est ce que je disais. C’est ma première démarche de soins et donc dans un premier parcours, te soigner tu ne sais pas ce que ça veut dire, les gens, les professionnels qui t’aident te parlent de soin, mais tu ne sais pas ce que c’est. Le soin ça s’expérimente, ça se vit et finalement c’est durant les premiers mois passés à la Communauté que j’ai pris ma décision : poursuivre mes soins et m’investir au quotidien.

 Peux-tu évoquer globalement ton début de parcours ? 

Mon objectif principal c’était de me sentir bien avec ma tête et mon corps, et surtout les mettre en accord, en osmose. Mon corps disait non et ma tête oui ou vice versa et pour ça il a fallu du temps, la CT permet de prendre ce temps. Honnêtement la rencontre avec mon éducateur référent n’était pas prévue mais a été importante. Il a su me comprendre, m’accompagner comme j’étais, sans vouloir me remodeler. Le temps fait beaucoup. A mon arrivée je n’avais plus accès aux émotions parce que l’angoisse prenait tout l’espace. Bien sûr avec le travail personnel et avec la psychologue, ça m’a permis d’avancer : c’est vrai qu’elle a repéré des comportements que j’avais en groupe pour ensuite qu’on les travaille ensemble. Les instances communautaires sont importantes, elles permettent d’échanger avec le groupe. Au départ le groupe m’était presque hostile. Mais grâce au temps passé, je me suis accepté comme je suis, mes peurs, mes craintes et j’ai mis des mots sur mes angoisses. Peu à peu j’ai pris confiance en moi, volontairement je ne dis pas RE-prendre confiance, car pour moi tout est un début, une découverte. La Communauté t’apprend que se soigner c’est aussi accepter que les choses qui ont été faites, qui se sont passée et qui ne peuvent pas être changées. 

Que retiens tu 2020 ? 

En 2020 j’ai pris un peu de retard sur le travail en extérieur comme l’insertion. Bien sûr c’est en lien avec le confinement. Mais j’ai travaillé d’autres choses, comme le vivre ensemble, se connaître davantage avec les qualités et défauts de chacun, s’accepter soi et l’autre. Je suis surpris par le peu de conflits et tensions dans le groupe durant cette période, il y a eu beaucoup de tolérance. Je me suis dit que si j’avais continué mon mode de vie antérieur, je n’aurai pas intégré la Communauté et je n’aurai peut-être jamais connu le confinement. J’ai d’abord pensé à ceux et celles qui étaient loin de leurs proches et qui l’ont mal vécu. A ceux qui ont eu le sentiment d’être privés de libertés. Moi j’ai essayé de garder en tête que la France était enfermée chez elle et que nous, à la CT, avons d’une certaine façon continuer de faire, c’était presque confortable. Je n’ai pas ressenti de frustration, je voyais que les professionnels étaient mobilisés, qu’ils mettaient en place des protocoles, ce qui a engendré pas mal de changements dans notre vie quotidienne, mais la base est restée la même, le projet est toujours là en place et nous nous sommes adaptés comme tous les Français. La crise sanitaire n’a finalement pas impacté la mise en place de mes objectifs personnels car j’avais besoin de temps. J’aurai peut-être pu accélérer certains aspects mais ça n’aurait pas été aussi bénéfique. Ce temps m’a permis de me concentrer sur d’autres objectifs qui se sont imposés à moi, le vivre-ensemble, le travail sur soi, l’autocritique, objectifs que finalement je n’avais pas posé au départ. Le temps n’a pas été perdu, je pensais rester qu’un an et finalement 14 mois après j’ai le sentiment que le temps qu’il me reste ne sera peut-être pas suffisant. Même si mes objectifs ne sont pas « grands », ils vont demander du temps. J’ai appris à la CT à le prendre. Passer le permis de conduire peut paraître anodin pour certains, mais c’est assez ambitieux pour moi, ça demande de la concentration, de reprendre la lecture et ce n’est pas évident au regard de tout ce qui s’est passé depuis que j’ai quitté l’école. Le temps participe à la résolution des problèmes. D’après mon expérience, on a toutes les réponses en nous, mais il faut aussi accepter qu’on nous pose les questions qui vont nous permettre d’avancer. 

Recommanderais-tu le projet CT à quelqu’un qui souhaite entreprendre une démarche de soin ? 

Avant d’entrer en CT j’étais convaincu, que le projet convenait à des parcours difficiles, qu’il fallait avoir touché le fond pour accéder et comprendre le programme communautaire. Mais en fait non, quiconque est emprisonné par l’addiction ou enchaîné par les produits peut le faire. Mon parcours ne voudra peut être rien dire pour certains mais en tout cas c’est le mien et je pourrais dire à chacun que je croise : « Essaie, tente-le » Tout le monde a le droit de s’en sortir il faut simplement le vouloir, même un peu, le groupe, l’équipe t’amènera à le vouloir beaucoup plus. A n’importe quel âge, quelle que soit la situation sociale…. Bien sûr après dans le groupe il y a des affinités par âge mais finalement c’est la même raison qui nous réunit, alors autant fédérer et avancer ensemble. Je suis sûr que dans tout ce que le groupe dit, rapporte, chacun d’entre nous peut y trouver un intérêt personnel. 

Et aujourd’hui ? 

Même si le produit est arrêté il laisse des traces dans la vie, moi c’est les crises d’angoisses. J’ai mis beaucoup de temps avant de les verbaliser. Je le vivais mal, je n’étais pas d’accord avec ce qui m’arrivait, ce n’était pas possible pour moi de ne pas maîtriser ce qui me traversait…. et finalement après en avoir fait part au médecin il a supposé que c’était surement liée aux surconsommations antérieures de drogues de synthèses et de cannabis. 

Et demain ? 

Même si je ne sais pas encore où je vais, je sais d’où je viens. Finalement, avec ma démarche de soins, je réalise que ce parcours de consommation de presque 19 années semble infime au regard d’une vie et de tout ce qui la traverse, et qu’elle est encore longue. Le projet proposé à la CT traverse toute notre vie et donc beaucoup de domaines : réinsertion professionnelle, sanitaire, psychologique, gestion des émotions, hygiène de vie, affirmation de soi, et vient poser une seule et même question : Finalement qui on est, quand on est plus consommateur ? 

2020 en 1 mot ? 

L’acceptation.

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