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ACTUALITES / Inclusion sociale

Se faire entendre

Tous les 3 mois, depuis un peu plus d’un an, résidents et professionnels du CHRS Sara se réunissent en assemblée générale. Ils sont rassemblés pour faire un pas de côté par rapport aux échanges du quotidien.
Se lever et prendre la parole en public n’est pas un exercice facile mais à chaque nouvelle édition, la confiance se développe. Et les échanges s’enrichissent.
Bienvenue à l’AG d’octobre. Dehors il pleut, à l’intérieur les gens s’installent en cercle.

« Maman, regarde l’épée du héros légendaire ! » L’épée en lego est brandie par Yanis qui, derrière son grand sourire, ne réalise pas tout à fait qu’il vient de faire surgir la toute première prise de parole de cette assemblée générale. Après quelques applaudissements, l’épée retourne dans son fourreau et Yanis dans la salle dédiée à l’accueil des enfants où ils peuvent jouer sous le regard et avec la participation des éducateurs.

L’assemblée générale peut alors débuter. La salle mise à disposition par l’association Magdala est bien remplie, la moitié des familles accompagnées par le dispositif est présente en ce soir de pluie. Pour débuter, Virginie Danette, cheffe de service, revient sur le compte-rendu de la réunion précédente, co-écrit par un professionnel et un résident. « Est-ce que quelqu’un veut dire quelque chose ? » demande Virginie, sans retour pour le moment. Prendre la parole en public n’est jamais facile, il faut un peu de temps pour se lancer. Alors, les informations concernant l’équipe continuent d’être présentées, notamment le changement de chef de service le temps du congé maternité de Virginie Danette.
La réunion se poursuit avec Nora Khiter, animatrice du dispositif Coach Emploi qui a pour objectif de construire, avec la personne, à partir de ses envies et de son projet, un chemin vers l’emploi.

Après avoir parlé emploi et possibilité de coaching à partir de leur projet, les participants ouvrent une page consacrée au bénévolat qui fait suite à la présence d’une association lors de la dernière réunion. Des projets sont en train d’être construits, les choses avancent. « Moi je voulais dire que c’était bien le bénévolat » explique une dame au fond de la salle. « D’abord, ça fait faire des choses, ça change du quotidien. On se sent utile. Et puis je voulais ajouter que c’est important aussi pour la préfecture, ça aide. Dans un dossier de régularisation, ça permet d’aller un peu plus vite parfois. »
« Oui, c’est vrai mais il est important de demander une attestation de bénévolat à ce moment-là ! Et il faut avoir un mail souvent, pour être contacté.» Quand la parole s’anime, les conseils s’échangent entre résidents.

La cheffe de service, qui fait aussi office de maître du temps, reprend la parole pour aborder le grand thème de la réunion du soir « Santé et bien-être », en prenant soin de contextualiser : « La santé, c’est un levier d’insertion. Quand on l’a, on peut tout faire. C’est avoir de l’énergie, dans son travail, dans son quotidien. » « Et pour les enfants ! » précise une maman avec un bébé qui s’endort dans ses bras.

Ce sujet de la santé est abordé sous trois volets, notamment avec la présentation des actions du CSAPA Trapèze, un dispositif de La Sauvegarde du Nord basé à La Madeleine. Damien, infirmier spécialisé en tabaccologie, fait le point sur l’ensemble des actions possibles. Il parle du tabac, et plus particulièrement du Mois Sans Tabac alors en cours. Puis il demande quelles sont les drogues autorisées :
« Le Coca ! Moi je suis accro en tout cas. »
« Le sport, moi c’est le sport. Si j’en fais pas, je crie, je suis une autre personne. »
« Est-ce qu’on peut être addict au café ? Est-ce que c’est une drogue ? »
« Les somnifères, je sais pas si c’est une drogue, mais il faut faire attention. Mais des fois ça fait du bien. »
Un homme explique son parcours fait de cures et de sevrages puis évoque son expérience de la psychothérapie. La discussion se termine sur la promesse de la construction d’un questionnaire santé pour mieux connaître les besoins et permettre un accompagnement plus adapté.

C’est ensuite au tour de Hayat, une résidente de Sara, de se lever et de prendre la parole, un peu stressée mais déterminée : « Moi j’ai 35 ans, je fais du sport depuis que j’ai 6 ans. C’est ma passion et c’est très important. Notre vie à nous tous, c’est du sport, avec le travail, les enfants, les soucis. Mon projet, c’est d’utiliser la course à pied pour motiver les femmes. Pour se sentir pleine de vie et pour exister en France. J’ai construit des programmes pour un peu tous les jours, on n’est pas obligé de courir comme moi. On peut aussi marcher, discuter et puis faire un peu d’abdos. »

« C’est pour être plus belle en fait ! »
« C’est pour se sentir mieux oui, pour avoir plus confiance. Et puis pour sortir aussi, y’a pas mieux que d’être dehors pour se dépenser. »
« Est-ce que des hommes peuvent venir ? » demande l’un d’entre-eux.
« Moi, mon objectif, c’est les femmes en vérité ! Des fois, c’est mieux pour nous d’être entre nous, c’est plus facile. Mais on trouvera des moments pour être mixtes, y’a pas de problème. »

La proposition est faite à Hayat de construire ses ateliers. « Place maintenant à un bon plan » annonce Virginie Danette qui présente les dernières intervenantes de la soirée, les bénévoles de l’association Le Panier Gourmand, située à Wattignies. « Ah oui, à coté du Mc Do ! » précise une jeune femme qui est déjà passée devant. Cette association propose de la nourriture à petit prix, à la condition d’avoir dans son panier au moins 2 kg de fruits et légumes. Elle propose aussi des ateliers cuisine et même des voyages. La seule condition est d’être inscrit, avoir une pièce d’identité française n’est pas nécessaire.

La réunion se termine, avec une proposition de smoothies préparés par l’équipe et une distribution de légumes offerts par La Ferme des Vanneaux. Une déclinaison concrète du sujet du jour.
Certains posent des questions aux intervenants, d’autres aident les professionnels à ranger les chaises. Yanis, quant à lui, a mis de coté son épée légendaire, il est prêt à rentrer se coucher.


L’AG, UN OUTIL PENSÉ

Virginie Danette cheffe de service
« On a imaginé cet outil pour penser la place des personnes dans la société. Ici, nous accompagnons 38 familles, plutôt discrètes, parfois résignées face aux difficultés. La plupart des habitants sont sans droits ni titres, bien sûr que cela a un impact sur leur position au sein de la Cité. Donc on a voulu proposer un truc nouveau, ailleurs, pour se parler autrement. Au début, la parole était très descendante, on n’était pas à la bonne hauteur, on a tâté le terrain.

Au delà des projets individuels, on cherche à construire du collectif. Sur beaucoup de thèmes, des habitants ont des savoirs, des expertises d’usage. Il y a un dialogue horizontal, il y a de la pair-aidance.

Je ne cherche pas à avoir la totale maîtrise, même si je garde la maîtrise du temps, il faut laisser la possibilité de faire émerger une parole nouvelle. Dans le travail social, il y a un paradoxe : on veut redonner du pouvoir d’agir en leur faisant répondre à des obligations. Ici, on se permet de prendre le temps de la découverte.»

L’assemblée générale est trimestrielle et permet aussi à l’équipe de travailler sur un grand projet commun et de pouvoir échanger leurs regards sur les parcours que chacun accompagne au quotidien.

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